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CHAMAN

Photo du rédacteur: AdministrateurAdministrateur

Dernière mise à jour : 9 août 2022



De la matière dont les rêves sont faits

La parabole du guérisseur


De ce spectacle, je n’avais vu que l’affiche… suffisamment inspirante pour me donner envie de le découvrir…

Grand bien m’en a pris !

Dès les premières secondes, dans la pénombre, j’ai été captivée…


Le personnage que nous rencontrons est une sorte d’ermite, qui s’est isolé du reste de l’humanité, après avoir « trop donné ».

Depuis le village de Pologne où il s’est réfugié, son passé semble le rattraper et il veut partir…

Tout en préparant fiévreusement son départ, il revient sur son passé.

Dans le clair obscur des flammes d’une lampe et d’un poêle, Grigori Manoukov nous tient en haleine … entre le suspense des révélations que nous espérons… et les questions existentielles soulevées ou évoquées en creux.


« Je n’ai pas de chez moi. Je ne suis personne »

Les vivants, les morts, les autres, les fantômes, la réalité, le rêve, le cauchemar

Sommes nous aussi vivants que nous le pensons ? Où se situe la frontière entre la vie et la mort ? Entre le rationnel et l’irrationnel… Entre l’intelligible et le mystère…


De quel côté se situe notre héros, le guérisseur qui voit encore des traces de vie chez ceux qui semblent passés de l’autre côté… D’où lui vient son pouvoir ? Est ce un don du ciel ou une malédiction ?


Comment le souffle de vie se transmet il ? par la fusion de deux êtres… leur contact charnel, magnétique ? L’observation attentive de l’autre, les regards qui se pénètrent ?

Est-il un faiseur de miracles, un charlatan ? Ou simplement un homme tentant tout ce qu’il peut pour ceux qui souffrent… y compris mentir pour sauver un petit garçon des griffes de ses parents ?


Ces questions sont d’autant plus prégnantes dans la période que nous venons de traverser… dans laquelle il nous a été interdit de toucher ceux que nous aimons, y compris nos malades et nos mourants… Comment dans ces conditions leur transmettre un peu de notre souffle de vie ?

Est ce la science qui soigne ? Les docteurs ? Ou la présence, la chaleur, le soutien d’êtres qui nous comprennent, qui nous soutiennent ? Sans doute avons nous besoin des deux… la science ne sait pas tout… et parfois, nous le savons bien… l’inexplicable se produit… Nous nous sentons connectés par des phénomènes qui dépassent l’entendement…


Les mains sont au centre de la pièce… les mains aux veines bleutées de la mère du guérisseur, serrant les siennes le jour où il a quitté la maison, pour poursuivre ses rêves. Cette mère qu’il ne reverra pas, mais qui est présente, toujours…

Puis les mains du guérisseur, qui en découvre par hasard le pouvoir.


Nous croisons aussi à travers son récit les autres femmes de sa vie… son épouse Bajena, à qui il reproche de trop l’admirer « si tu avais moins cru en moi, je ne me serais pas pris pour Dieu !».

La troisième femme de sa vie, Zlata… qui le considère comme un homme ordinaire, ce à quoi il semble aspirer, finalement…


Les questionnements du guérisseur rejoignent ceux que beaucoup d’entre nous nous posons parfois… Avons nous des talents ou sommes nous des imposteurs ?

A plusieurs reprises, il se demande s’il joue , tel un acteur, à être guérisseur ou s’il a vraiment un don ? Est ce un personnage inventé de toutes pièces ? Est-ce un escroc ? Est-ce un magicien ? Est il doué d’intuitions, d’une connaissance de l’univers et des autres qui le dépasse et qui lui donne de l’avance ?


La musique de Satie d’une étrange et pénétrante beauté sied parfaitement à l’atmosphère envoûtante de la pièce.


Le caractère très concret, terrien de la scénographie allié aux très belles lumières, souligne le fossé entre ce que nous observons, ce que nous croyons connaître et la vérité…« les résonances inexprimables de l’ombre »…


Le texte d’Elisabeth Bouchaud est d’une grande beauté, poétique, dense, précis… il ouvre de nombreuses portes à notre imaginaire.

La présence exceptionnelle de Grigori Manoukov le sert admirablement…

Il nous fait entendre chaque mot, habite le texte et l’espace, et nous attire dans un univers mystérieux, que lui-même dit ne pas comprendre, entre confidences et colère, entre délicatesse quand il est face à un malade qu’il tente de sauver et brusquerie quand il s’agite et cherche à fuir…

Mais cherche-t-il à fuir son refuge, pour s’éloigner de ce Docteur qui semble lui vouloir du mal… ou sortir de sa peau, se débarrasser de ce don qui semble avoir fait son malheur ?

Ce qui est certain, c’est qu’au lever du jour, notre ermite semble apaisé… avoir retrouvé, après 30 ans d’errances, un sens à sa vie…


Bouleversant spectacle, qui m’a touchée en plein coeur…auquel je souhaite tout le succès qu’il mérite !

Encore bravo et merci !


Mars 2022

Après mon coup de coeur au Festival d’Avignon, quelle joie de retrouver le texte poétique, sensible d’Elisabeth Bouchaud et l’incarnation vibrante de Grigori Manoukov, qui nous entraîne dans l’univers d’un guérisseur qui s’est isolé du monde, celui de ses souvenirs, de ses rencontres, de ses angoisses…

La proximité, l’intimité de la salle Marie Curie du Théâtre de la Reine Blanche renforcent encore l’intensité de cette rencontre poétique et hypnotique …

Une expérience rare..


Chaman, de la matière dont les rêves sont faits. La Parabole du guérisseur.

Juillet 2021 Avignon Reine-Blanche

Mars-Avril 2022 au Théâtre La Reine Blanche, scène des arts et des sciences, Paris


Texte : Elisabeth Bouchaud

Mise en scène : Elisabeth Bouchaud et Grigori Manoukov

Création lumières et création sonore : Paul Hourlier

Jeu : Grigori Manoukov

📷 Pascal Gély

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