au Théâtre La Reine Blanche, scène des arts et des sciences
A voir encore ce soir et demain
Samedi 18/06 à 21h00
et dimanche 19/06 à 16h00
🌟COUP DE COEUR 🌟 pour la création de fin de cursus de la deuxième promotion de La Salle Blanche, le laboratoire de l'acteur-chercheur, d’une inventivité qu’il serait vain de tenter de relater de manière exhaustive…
Ce que je peux dire, c’est que j’ai eu beaucoup de plaisir à plonger dans ce monde trouble, mêlant humour, rêves et angoisses : la vie, la mort, l’enfance et le temps qui passe… malgré nous !
Où les lieux, les temps, la réalité et l’imaginaire s’entremêlent, et nous incitent à lâcher prise.
Entre la maison à Londres, les étoiles, les bas-fonds et le « Jamais-jamais »,
Entre cauchemars et fantasmes,
Entre la vie et la mort,
Entre les « gentils » et les « méchants »,
Les monstres et les pirates,
les pères et les mères,
les disparitions, les fantômes,
les retrouvailles…ici ou au-delà
Entre douceurs et punitions subies ou désirées,
De la prison dorée au monde des sirènes prostituées,
Entre ombres et réalité,
L’emprise et la manipulation,
Les cartoons et les jeux vidéos,
Entre monde virtuel et imaginaire !
Sommes nous dans l’histoire, le cauchemar de Wendy ?
Celui de Georges, le père à travers les vapeurs d’alcool ?
Dans le rêve de Peter qui sort de son écran bleu, de la fiction, pour rejoindre les enfants qui l’ont imaginé ?
La troupe est en place et déjà en interaction tandis que le public s’installe dans la salle.
Nous sommes invités à suivre, dans la brume londonienne la gracieuse fée Clochette (Noé Bennehard) qui capte notre regard et nous accueille. Elle nous guide, étoile dans la nuit, parmi les personnages, dans cet univers étrange et pourtant si proche.
« Deuxième étoile à droite, puis tout droit jusqu’au matin »…
Une chambre qui ressemble à un refuge, un radeau à la dérive.
La chambre de Wendy (Dana Simah) et de ses frères et soeurs, hypnotisés par leurs écrans bleus.
Dana Simah apporte à Wendy à la fois une touchante naïveté protectrice, une émouvante quête d’amour, et le caractère bien trempé d’une louve, mère de famille de substitution.
La mère a disparu ; le père Georges (Paul-Henry Déchin) n’a pas le droit de pénétrer dans l’antre des enfants.
C’est un père à la dérive, qui s’anesthésie dans l’alcool et se console d’être abandonné par sa femme et rejeté par ses enfants en nouant une relation trouble avec sa chienne Nana, jusqu’à inverser les rôles et aller ensemble hurler à la lune.
Seule Nana (Alexandre de Schotten - regard intense, barbe fournie, guêpière ajustée et cuissardes noires) sert d’intermédiaire entre le père désemparé et ses enfants.
Nana, séductrice, maîtresse chienne avec le père, se transforme en boule de poils et de douceur, pour rejoindre les enfants et les réconforter de ses tendres câlins. Et si c’était elle, la Maman ?
Wendy propose aux enfants de leur raconter une histoire… ce sera une histoire de pirates ! Nana les rejoint…
La fée Clochette devient l’ombre de Wendy tandis que le récit commence…
Les enfants sont captivés… Leurs regards nous parlent et nous racontent, au-delà des mots de Wendy, le voyage qu’ils ont entrepris…
Les jumeaux Michaël et John (ou peut être les siamoises Michaëlle et Joan) sont incarnés par Carla Chevreux, qui parvient avec agilité et conviction à les faire vivre et se répondre, en deux tonalités, deux personnalités en lutte et opposition permanentes… et pourtant indissociables !!!
Et soudain, un nouveau personnage au sourire irrésistible (Olivier Delemazure) surgit dans le décor !
Les autres sont surpris… un peu effrayés… par cet être virevoltant.
Trop beau et souriant pour être honnête, peut-être ? Il semble pourtant bien naïf et inoffensif… « J’ai perdu ma Maman ».
Est il sorti de l’histoire et de l’écran bleu de Wendy ? Il a tous les attributs d’un personnage de Cartoon…
Mais très vite, Peter (car c’est bien lui !) fascine et va entraîner les enfants dans un voyage lointain… Un trajet chaotique en avion, durant lequel Nana se transforme en hôtesse de l’air ! De trous d’air en violentes secousses, la face trouble de la personnalité de Peter se révèle. Il devient un autre, exige, dirige en véritable tyran.
Comme la fée Clochette, toujours à l’affût, séduite par son ombre et dansant avec elle, le crocodile (Aimée Hirigoyen, fantômatique, effrayante…) rôde… surveille… insaisissable, menaçant, prêt à bondir… Tic-tac, tic-tac…
La petite troupe des enfants, avec Peter et Wendy, rejoint la prison dorée de Jamais-jamais… L’un des enfants vient de s’échapper au risque dit-on d’être kidnappé ou tué par le terrible Crochet ! Peu et Refrain vivent leur vie d’enfants perdus. Seuls, abandonnés, tristes et joyeux à la fois, soumis à la loi de Peter.
Peu (Antoine Rameau) le joyeux et tendre rêveur, optimiste, rassurant, qui imagine sa Maman au sommet des montagnes.
Refrain (Lily Ducoeur) forte personnalité, qui voudrait être réincarnée en saucisse, et épouser une femme pour que ses enfants n’aient pas à subir la tyrannie d’un père !
Wendy et John-Michael reconnaissent en Peu et Refrain leurs chers David et Margaret… mais ils ne sont plus sur la même planète ; les époques s’emmêlent ; leurs réalités ont changé… ils les reconnaissent mais les croient fous… et réciproquement !!!
Le redouté capitaine Crochet fait son apparition : Georges et lui ne font qu’un… incarnation maléfique du père ? Crochet est il la face sombre de Peter ?
Peter, le père dont Wendy rêve pour « ses enfants », est il au contraire une incarnation fantasmée de Georges, un père qui saurait enfin les faire rêver?
Crochet, en tous cas, apparaît comme une marionnette aux mains de Peter … Brillamment mis en scène !
Puis la marionnette prend son indépendance… et c’est l’affrontement, façon street battle !
Dans ce voyage foisonnant, nous rencontrerons aussi des sirènes, danseuses et prostituées, sous la
coupe du terrible Smee (étonnante Sofía Valdiri, qui campe un proxénète impressionnant, semblant tout droit sorti d’un classique du cinéma ou de la littérature américaine) : il va déployer des trésors de séduction, aidé par ses sirènes dévouées et sensuelles (Oriane Deschamps et Jeanne Hirigoyen en tête) pour attirer Wendy dans ses filets..
Sur scène nous voyons s’exprimer, se nouer et se dénouer des duos, des trios, des dédoublements de personnalités, des genres qui se fondent et se confondent… des ombres qui soutiennent, des peaux qui se cherchent, se consolent, s’affrontent… des fantômes…
Georges et Nana, Peu et Refrain, Clochette et Peter, Wendy et Peter, Smee et Crochet, Smee et Lola, Madame Darling et Wendy…
Prison, rêve, cauchemar, réalité
Folie, évasion, emprise
Monde sous-terrain, vertiges
Le Bien et le mal, les fées, les héros, les monstres, les fantômes.
Deconstructing Peter nous parle de l’enfance, de la mort, du temps, de la mémoire, des peurs, des angoisses, de la solitude, de ces moments au cours desquels nous réinventons plus que jamais nos souvenirs, et même notre propre réalité, de ces fantasmes qui virent au cauchemar, de ces rêves qui peuvent se réaliser, de la douce consolation d’être ensemble.
Ce spectacle met bien sûr aussi en lumière l’excellence du cursus de La Salle Blanche…
Pour moi qui ait le privilège de suivre depuis plus d’un an cette deuxième promotion, c’est une évidence.
Des personnalités qui continuent à s’ouvrir et à s’affirmer, dans leur singularité et se révèlent sous nos yeux, sur scène, sous un jour chaque fois nouveau…
Des artistes qui ont beaucoup travaillé et continuent à chercher, sous le regard passionné et exigeant de leurs professeurs.
Une écriture poétique et contemporaine.
mise en valeur par une mise en scène inventive, poétique elle-aussi et confrontante… offrant aux acteurs et aux spectateurs un terrain de jeu aux possibilités très nombreuses.
Un très beau travail visuel et musical aussi, qui sert les atmosphères entre jour, nuit, réalité, rêve et cauchemar (mention spéciale à Jeanne H.-crocodile, sirène et musicienne !).
Et pour revenir aux acteurs : un très beau travail de troupe, et chez chacun, de l’audace, de l’enthousiasme, un talent fou, une belle écoute réciproque, une sensibilité et une présence intense des corps et des regards !
Un spectacle enthousiasmant… des images fortes qui vont s’ancrer dans nos mémoires !
Merci aux équipes du Théâtre Reine Blanche, scène des arts et des sciences
et aux spectateurs attentifs et concentrés.
Et un grand Bravo… vraiment
à La Salle Blanche, à son équipe et ses intervenants
à Florient Azoulay, Xavier Gallais, Pierre Delcambre, Olivier Innocenti
à Noé, Carla, Alexandre, Paul-Henry, Olivier, Oriane, Lily, Jeanne, Antoine, Dana, Sofia.
Merci à tous et à très vite !
D'APRÈS=Peter Pan, ou Le garçon qui ne voulait pas grandir de James Matthew Barrie
MISE EN SCÈNE=Xavier Gallais
DRAMATURGIE=Florient Azoulay + la 2ème promotion de La Salle Blanche, le laboratoire de l'acteur-chercheur
JEU=Noé Bennehard + Carla Chevreux + Alexandre De Schotten + Paul-Henry Déchin + Olivier Delemazure + Oriane Deschamps + Lily Ducoeur + Jeanne Hirigoyen + Antoine Rameau + Dana Simah + Sofia Valdiri
📸 Pascal Gély
Illustration : Jeanne Hirigoyen et Olivier Delemazure
Réservations ici :
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