« On se souviendra de ma jeunesse comme d'une fête exaltée, pleine de drogues subtiles et d'orgies élégantes, on se souviendra de ma jeunesse, comme d'un défilé de mode extravagant, et comme une insouciance galvanisée par de la mauvaise musique.
Moi je m'en souviens comme d'un grand cortège funèbre, comme un grand murmure glacé, comme un deuil qu'on n'a pas le droit de proclamer.
(…)
Alors oui, puisque mes amis étaient morts et qu'il y avait ce froid idéologique transformé en cynisme, puisque aucune lumière spirituelle ne s'élevait dans ma catastrophe, j’ai dû inventer pour moi-même, par moi-même et seul, une lumière maladroite. Et aujourd'hui, je te la donne pour que tu en fasses une lumière éloquente.
Arlequin, dans l'amour que j'ai pour toi, dans la fascination que j'ai pour la fluidité de ton corps, il y a le deuil insupportable, la plaie toujours ouverte de ceux que j'ai perdus. Et je ne sais pas comment j'ai contenu, toutes ces années, ce flot de larmes en moi.
Venge-nous, mon amour, en vivant ta jeunesse, plus belle qu'aucune ! Venge-moi, toi qui as encore le temps de vivre. Alors danse pour moi, danse avec mes fantômes. Leurs visages blancs d'enfants perdus m'appellent ; ils sourient sous les néons de couleurs, ils sourient dans leurs costumes de paillettes, ils sourient dans la nuit éternelle de nos fêtes. Oh ma jeunesse ! Ma jeunesse exaltée ! »
Olivier Py - Ma jeunesse exaltée
Editions Actes sud-Papiers, Mai 2022
pages 373-374
Photo - Alcandre : Xavier Gallais
Crédits 📷 : Christophe Raynaud de Lage - Festival d’Avignon
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