C’est pour des expériences comme celle de ce soir que j’aime tant le théâtre !
Un lieu chaleureux.
Un texte .
Un acteur intense, qui le fait sien, l’habite et le partage avec générosité, en venant à la rencontre des spectateurs
Une mise en scène, un décor, des lumières, une musique, une scénographie - pensés pour servir une vision, celle de Matthieu Cruciani et de l’équipe qu’il a réunie…
La nuit juste avant les forêts, de Bernard-Marie Koltès : j’en garde un souvenir très fort… Un texte d’une poésie brute, porté il y a une vingtaine d’années par Denis Lavant : image d’un funambule quasi immobile, sous la pluie, au coeur du Théâtre des Abbesses.
J’avais beaucoup aimé Jean-Christophe Folly, dans Avedon-Baldwin l’année dernière, et j’ai immédiatement eu envie de découvrir ce qu’il pourrait apporter à ce texte. L’intuition que ce serait très différent mais que cela pourrait être intense…
Intuition largement confirmée !
Grâce à la mise en scène, et à la densité du travail du comédien, qui semble projeter chaque mot du plus profond de son âme pour l’extirper par chaque pore de sa peau, au bout de chacun de ses membres ou à travers ses pupilles …. tout en occupant l’espace tel un animal, tantôt gracieux félin, tantôt prédateur…
La première version que j’ai vue avait quelque chose d’un long poème hypnotique.
Celle de ce soir était davantage ancrée dans une réalité fantasmée… mettant en lumière une trajectoire plus accidentée du personnage.
Et ces deux versions à la fois très belles, très marquantes et très différentes se complètent et s’enrichissent mutuellement…
Solitude, entre recherche de l’autre, de partage, de chaleur et fuite d’un monde de violence et d’injustice… fuite aussi d’une certaine forme d’échanges ou de normalité qui pourraient restreindre, contraindre…
Ce soir, les spectateurs étaient groggy… un long silence a suivi la fin du spectacle… avant des applaudissements chaleureux et très enthousiastes, qui ont à leur tour sorti l’acteur, visiblement épuisé, du fond de la forêt où il s’était blotti…
Photo du spectacle : Jean-Louis Fernandez
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