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LE CIEL DE NANTES

Photo du rédacteur: AdministrateurAdministrateur

Dernière mise à jour : 9 août 2022



Du théâtre de Christophe Honoré, j’ai manqué Le côté des Guermantes, d’après Marcel Proust…

J’ai en revanche vu et aimé Nouveau Roman, puis Les Idoles.

Le Ciel de Nantes, que j’ai découvert cet après-midi, m’a enthousiasmée… à la fois profond, exigeant et accessible.

Famille je vous aime… malgré toutes les raisons que j’aurais de vous détester !

Qu’est ce qui fait que le lien survit aux drames, aux lâchetés, aux violences.

Que nous reste-t-il ? Qu’est ce que la famille dont on s’est éloignée nous transmet malgré tout ?

Dans la violence ou du moins les conflits, dans les souvenirs d’enfance, dans les ruptures de l’adolescence ou de la vie d’adulte, dans les secrets, les non-dits, les petites et grandes lâchetés, dans les complicités… beaucoup peuvent reconnaître leur propre famille (famille du sang ou du coeur d’ailleurs).


Christophe Honoré devient dans Le Ciel de Nantes l’un des personnages de sa pièce (incarné par Youssouf Abi-Ayad), cinéaste qui ne parvient pas à tourner ce film qui l’obsède depuis des années, ce film sur sa famille…


Alors il convoque sur scène, dans une salle de cinéma, sa mère Marie-Do, seule survivante et jouée par son petit frère Julien Honoré.


Les fantômes de sa grand-mère (Marlène Saldana), de son grand-père (Harrisson Arévalo) et de trois de ses oncles (Jean-Charles Clichet, Stéphane Roger) et tante (Chiara Mastroianni) la rejoignent. Alors le dialogue avec le cinéaste se noue… et les règlements de comptes alternent avec les souvenirs tendres ou douloureux.


Nous entrons dans de véritables montagnes russes émotionnelles, passant imperceptiblement du rire (les disputes familiales, la chorégraphie de Christophe et sa grand-mère sur Spacer de Sheila, entraînant toute la famille dans leur sillage ; la colère de la grand-mère quand quelques-uns osent critiquer son idole) aux larmes (quand la tante fragile - Claudie - relate les échecs de ses avortements clandestins successifs et la naissance de son premier enfant né sans-vie) ou au malaise devant le récit de l’oncle Roger relatant des scènes de torture en Algérie, face à la violence du grand-père Puig ou le rejet de la grand-mère adorée qui refuse brutalement de parler à son petit-fils qui a osé rendre son homosexualité publique.


Bouleversante aussi la mère, Marie-Do, qui veut chanter « Les yeux au ciel », cette chanson d’Alex Beaupain, entendue dans le film de son fils Christophe, Les Chansons d’Amour, qu’elle aime fredonner, et qui émeut toute la famille autour d’elle.


Déchirant, le regard perdu de Claudie, filmée en gros plan par son neveu cinéaste.


Réjouissant hommage à la famille, la chanson écrite par l’oncle Jacques (surnommé pour l’occasion « Jacquot Dassin ») sur l’air de La Bande à Jojo et reprise en coeur par tous !


Poignant, le cri du coeur de la grand-mère qui se souvient de son séjour au sanatorium comme du plus beau moment de sa vie… « j’avais un peu mal aux poumons mais on prenait soin de moi ».

Christophe Honoré et ses excellents comédiens jonglent avec beaucoup d’agilité entre la scène - au micro ou en son direct - et la vidéo captée le plus souvent depuis les coulisses… ou parfois enregistrée (la réaction de la vraie Marie-Do, interrogée par sa petite fille « je n’étais pas d’accord avec ce projet ; je suis plus pudique que Christophe et Julien »), la présence des fantômes des disparus et les essais caméra des acteurs imaginés pour le film qui ne verra pas le jour.

Je dois souligner le beau travail de scénographie, jouant avec les espaces et l’utilisation judicieuse de la caméra, de la lumière et des ombres…

Entre souvenirs de Christophe, souvenirs de chacun… que reste-t-il ? Qu’est ce qui se transmet d’une génération à l’autre ? Quelles joies, quelles douleurs, quelles vérités, quels mensonges ?

Les drames qui se sont succédés…

Le suicide raté de Claudie, son deuxième suicide réussi, celui de Roger, le premier mari de la grand-mère « mort pour la France », le cousin toxicomane mort du Sida en un an, l’oncle mort d’un cancer du poumon, l’autre oncle mort d’une crise cardiaque, la mort brutale de la grand-mère…

L’intersigne prémonitoire de la mort de Claude le père de Christophe.

« Pourquoi as tu tant besoin de croire au destin » demande Marie-Do à son fils aîné.

« Ma mémoire m’apporte moins que ce que j’ai rêvé de vous »

Peut-être est-ce l’une des clés de ce très beau spectacle, qui, à travers un témoignage très intime parvient à toucher le plus grand nombre… dans ce que l’histoire personnelle de notre naissance et de nos proches et l’Histoire, dont nous sommes parfois malgré nous les acteurs, nous transmettent.

📷 Jean-Louis Fernandez (extraits du programme)

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