🌟Ma jeunesse exaltée🌟
Un triomphe pour la première ! Il est 00h20.
Le public, concentré depuis le début d’après-midi se lève à l’unisson et salue longuement et avec beaucoup de ferveur toute la Troupe et l’Auteur, Metteur en scène et Directeur du festival, Olivier Py, visiblement très ému. Nous le sommes aussi. Emus et heureux de cette étonnante, réjouissante et vibrante expérience théâtrale !
Les 10 heures sont passées comme un souffle ! Un souffle épique, rythmé, alternant humour, ironie et émotions.
Tant de thèmes traversent cette épopée…
D’abord l’amour du théâtre et de la poésie. Et puis, entre autres, l’espérance de la jeunesse, son insouciance, la transmission, l’amour, le deuil, la mémoire, la filiation, les institutions corrompues ou impuissantes.
La troupe est exceptionnelle : mêlant les générations, dans une très belle complémentarité, au service du texte à la fois philosophique, politique, humoristique, ironique et poétique d’Olivier Py.
Dans un décor en perpétuel mouvement (mention spéciale aux équipes techniques), les artistes imprègnent un rythme effréné à l’ensemble et nous entraînent dans un tourbillon de facéties, d’humour burlesque, de drames et une traversée philosophico-poétique nourrie de passages d’une émotion et d’une poésie à couper le souffle…
❤️🔥❤️🔥❤️🔥❤️🔥❤️🔥
Cinq jours se sont écoulés depuis la première de « Ma jeunesse exaltée ».
Et les images, les émotions, les mots continuent à me hanter, me traverser, me faire vibrer, nourrir mon imaginaire et mon coeur.
Je vois cette création d’Olivier Py, comme une oeuvre de transmission étourdissante, à la fois lucide, poétique et révoltée.
Sa poésie, ce récit, alternant regards ironiques ou rebelles, scènes de farce irrésistiblement drôles, énergie affolée et aveux bouleversants constituent à mes yeux un objet théâtral extra-ordinaire, une longue déclaration d’amour au théâtre sous toutes ses formes.
L’oeuvre m’a emportée durant dix heures, et continue à cheminer.
L’art de la narration de l’auteur-metteur en scène allie les ruptures de rythmes et de tons et met le spectateur dans un état de vigilance permanent, en éveil, à l’affût : cela passe par le texte et la troupe (magnifique !), bien sûr, mais aussi la scénographie, avec ce décor en mouvement permanent, les costumes, perruques, masques et autres artifices de Pierre-André Weitz, la musique également, les chansons d’Olivier Py, ou les compositions de Julien Jolly et Antoni Sykopoulos, qui viennent accompagner ou mettre en relief ce qui se déroule devant nous.
ALCANDRE ET ARLEQUIN
C’est autour de ce duo que se déroule cette épopée théâtrale, même si chaque personnage a une place importante !
L’auteur a choisi de mettre la jeunesse au centre, même si ce sont bien deux générations que nous voyons évoluer, se répondre, jouer de leurs armes respectives pour séduire ou piéger le « camp » adverse.
Alcandre et Arlequin constituent en quelque sorte un pont entre ces générations.
Quelle est la nature de leur relation ? Je la vois aussi protéïforme que les couleurs du costume d’Arlequin : l’admiration réciproque, l’attirance, l’envie de retrouver sa jeunesse pour l’un ou d’avoir le talent du vieux poète presque oublié pour l’autre, deux incarnations d’une même âme, la transmission, la filiation, le goût du jeu, du théâtre, l’auteur ou le metteur en scène face au lecteur, à l’acteur, le besoin de sens, de transcendance, d’un public, l’envie commune de lutter, de rendre le monde meilleur, de retrouver son honneur bafoué….
Ces multiples facettes vont s’éclairer tout au long du chemin foisonnant que nous empruntons avec eux : il nous appartient pour cela de nous laisser guider, emporter dans le tourbillon du théâtre !
Alcandre attire Arlequin dans ses filets en lui commandant chaque soir une pizza « quatre saisons » qu’il ne mange pas.
Arlequin quant à lui, est intrigué et connaît, admire déjà Alcandre sans le savoir.
Les deux êtres blessés vont tenter de réhabiliter la poésie et devenir ensemble une arme à déstabiliser les puissants, tout en nouant une relation mouvementée et à nulle autre pareille.
L’énergie débordante du jeune Arlequin va se nourrir de l’attention, du désir et de la douleur d’Alcandre, qui va l’aider à mettre en oeuvre d’audacieux canulars visant à piéger et « éliminer les vieux cons » !
La première partie scelle la rencontre et le pacte entre Alcandre et Arlequin. Pacte pour l’honneur, pacte pour la poésie.
Vient alors le temps du premier grand canular qui permet à Arlequin de sortir de l’anonymat.
Avec la complicité et le soutien admiratif d’Alcandre, Arlequin provoque, piège, ridiculise, et se fait connaître avant de révéler la vérité sur l’oeuvre inédite de Rimbaud, objet de toutes les convoitises.
Vont se poursuivre, à un rythme effréné, des allers-retours entre « la jeunesse exaltée » toute à son enthousiasme et « les vieux », puissants et ridicules.
Arlequin - Bertrand de Roffignac - ne quitte pratiquement pas la scène durant 8 heures, dans une énergie survoltée, surréelle, qui force l’admiration : la course folle du personnage semble sous-tendue par le besoin exacerbé pour cet orphelin bergamasque de trouver sa place, d’être reconnu, d’être aimé.
Il est la jeunesse exaltée, dans sa fougue presque effrayante, sa révolte et son inconséquence parfois, le poète en devenir… et bien plus encore !
Alcandre est un poète vieillissant et oublié… il semble retrouver une forme d’inspiration et d’espérance en observant et guidant son jeune disciple.
C’est un être passionné, prêt à se sacrifier et à souffrir encore pour se sentir vivant, servir le théâtre, la poésie et permettre à Arlequin d’accomplir le destin qu’il espère pour lui.
« S’il y a un être, un seul, qui lisant ce que j’ai écrit, rencontre l’étrange vocation d’être poète - un seul être au monde -, cela justifie ma douleur et les heures passées à jeter mon coeur dans un pressoir ».
Xavier Gallais apporte au personnage beaucoup de sensibilité et son art bouleversant de faire jaillir les mots du plus profond de son âme : il fait ainsi sonner, résonner les mots d’Olivier Py dans tout leur raffinement. Il incarne Alcandre dans une forme de sagesse paisible et désabusée, qui observe avec gourmandise, tapi dans l’ombre, pour permettre à Arlequin de briller en pleine lumière.
Il nous laisse aussi entrevoir des traces de l’enfance, signe que le coeur du poète peut s’émerveiller et vibrer encore, peut-être du renouveau que sa relation avec le jeune Arlequin lui insuffle.
« on passe la moitié de sa vie à tuer l’enfant en nous et l’autre moitié à le ressuciter ».
La douleur est également omniprésente, tout en étant pudiquement dissimulée : douleur des deuils restés cachés, d’une glorieuse jeunesse gâchée.
Les excès d’Arlequin et des jeunes gens qui l’entourent, le ridicule des « pantalons » prêts à tout pour un instant de gloire, insufflent au récit un rythme, une légèreté teintée de cruauté et d’ironie, une certaine folie.
Autour d’Arlequin, la « jeunesse exaltée » : de jeunes apprentis acteurs qui portent certaines des grandes préoccupations de leur génération et vont se confronter aux réalités du monde qui les entoure, et de ses chausse-trappes.
Alex la révolutionnaire (Eva Rami, maîtresse-femme prête à en découdre), Cosme le thanatopracteur (Geert van Herwijnen, Pierrot lunaire, fougue et douceur incarnées) flanqué du mannequin-fantôme très présent de son frère Jonas, Esther, actrice de tragédie (Pauline Deshons, entre diva-attitude et folie mystique irrépressible) et Octave, metteur en scène en devenir (enthousiaste et parfois naïf Emilien Diard-Detoeuf) sans oublier l’histrion : Yfic (Geert van Herwijnen, exaspérant à souhait) ni Soeur Victoire (étonnante Céline Chéenne qui passe avec aisance de soutane, sandales et dentelle rouge à un authentique costume de Saint-Bernard) !
Dans le camp des « vieux » qui semblent avoir laissé Alcandre pour mort, la diva Théodora (poseuse et capricieuse née, Céline Chéenne encore !) et les vieux pantalons, prêts à tout : L’évêque (irrésistible et pince-sans-rire Olivier Balazuc), le ministre de la culture (flamboyant roi des hypocrites et des têtes à claques - Flannan Obé), le richissime président d’un empire économique (froid et calculateur Damien Bigourdan, qui se révélera pourtant sentimental) accompagnés du conseiller (Emilien Diard-Detoeuf encore, tantôt victime, tantôt bourreau) du pharmacien-apprenti sorcier et de ses potions (Antoni Sykopoulos) ainsi que du balbutiant et docile Alfred (Xavier Gallais sous sa perruque, hilarant souffre-douleur de la diva, qui montre dans cet autre rôle l’étendue de sa palette comique).
La deuxième partie se centre sur la religion, le mysticisme, le projet de vengeance des pantalons, et la rupture ..
Un autre canular, des rebondissements, des déchirements…
« J’étais la vie ? J’étais la flamme tant que j’avais son souffle dans ma nuque. Comment fait-il cela ? C’est cela être poète ? »
« Oh pourquoi ce désir de lui faire mal quand je ne voulais moi-même que lui dire mon amour ? »
La troisième partie sera celle des révélations (la jeunesse d’Alcandre, le sens et l’amour inconditionnel…) de la vengeance (mensonges, faux-semblants, dérives de l’argent roi, cannibalisme,…), de la réconciliation puis du deuil (le poison…).
Et ce déjà fameux monologue d’Alcandre, qui a suspendu le souffle d’une salle entière et s’est conclu par de chaleureux applaudissements
« Qui d’autre que toi et moi… ? Qui d’autre que nous… »
La dernière partie, enfin, nous entraîne aux portes des enfers (où nous retrouvons Geert van Herwijnen, conciliant charon), puis vers des retrouvailles ultimes et l’aveu déchirant d’Alcandre « la plaie toujours ouverte de ceux que j’ai perdus ».
« Oui, il fallait mourir mais mourir en silence ! Mourir en province ! Mourir comme un exclu, un damné et, finalement, mourir en anonyme. Moi, je voulais vivre et vivre absolument, et dès que cet adverbe a mûri dans mon coeur, il n’y a plus eu d’échappatoire à la littérature ».
Ma plus sincère gratitude à toutes les équipes artistiques et techniques et aux spectateurs à l’unisson qui ont rendu possible cette expérience hors du commun de théâtre : quelle joie de vibrer ensemble, rire, pleurer, se laisser surprendre, retenir son souffle, partager…
Quelque chose est venu…
ENCORE MILLE MERCIS ET BRAVOS 🥰🙏
MA JEUNESSE EXALTÉE
AVIGNON, Gymnase du lycée Aubanel, du 8 au 15 Juillet
Avec Olivier Balazuc, Damien Bigourdan, Céline Chéenne, Pauline Deshons, Emilien Diard-Detoeuf, Xavier Gallais, Geert van Herwijnen, Julien Jolly, Flannan Obé, Eva Rami, Bertrand de Roffignac, Antoni Sykopoulos
Texte et mise en scène Olivier Py
Scénographie, costumes et maquillage Pierre-André Weitz
Lumière Bertrand Killy
Son Rémi Berger Spirou
Chansons originales (paroles et compositions) Olivier Py
Composition et percussions Julien Jolly
Composition et arrangements Antoni Sykopoulos
Assistanat à la mise en scène Guillaume Gendreau
Assistanat aux costumes Nathalie Bègue
Opmerkingen